Massacre négrophobe de Buffalo : chronique d’une tragédie annoncée

« Lorsqu’une maison prend feu et qu’une personne, alertée par les flammes, accourt en criant « au feu ! », le propriétaire de la maison, ainsi réveillé par les cris , commet parfois l’erreur d’accuser la personne  ayant lancé l’alerte d’avoir mis le feu, alors même qu’il devrait lui exprimer sa gratitude ».[1]

Malcolm X

Anéantir les « Remplaçants »

Le 15 mai 2022, Payton Gendron, jeune américain blanc de 18 ans, ouvrait le feu dans un supermarché de Buffalo (Etat de New York), aux Etats-Unis, tuant dix personnes, dont six femmes et quatre hommes âgés de 32 à 86 ans.

Le point commun des victimes ? Leur couleur de peau : en effet, toutes les personnes assassinées sont des Afro-Américains.

Leur crime ? « Tous les Noirs sont des Remplaçants, ne serait-ce que par leur simple existence dans des pays de Blancs. […] Chaque envahisseur que vous tuez, quel que soit son âge, est un ennemi en moins pour vos enfants ».[2]

C’est en ces termes que l’auteur de l’attaque négrophobe et terroriste de Buffalo justifie son geste dans un « manifeste » où il se présente comme « simplement un homme blanc qui cherche à protéger et servir ma communauté, mon peuple, ma culture et ma race ».

A l’image de Brenton Tarrant, le terroriste suprémaciste qui avait tué 51 morts et blessé 49 personnes en mars 2019, lors d’un attentat islamophobe visant deux mosquées à Christchurch (Nouvelle-Zélande), Payton Gendron est un adepte de la théorie du « Grand Remplacement ».

En vertu de cette théorie fumeuse, raciste et criminelle, popularisée notamment par l’écrivain français Renaud Camus et désormais relayée par des médias et des politiques de premier plan, les populations blanches des pays occidentaux seraient menacées de  « substitution » par des hordes d’envahisseurs basanés, dont l’augmentation démographique conduirait à un « changement de civilisation ».

Le suprémacisme occidental : un danger mortel pour les populations non blanches

L’assassinat programmé de dix Afro-américains désarmés par le terroriste Payton Grendon est la manifestation la plus vulgaire, la plus hideuse, la plus brutale et la plus cruellement sauvage d’une idéologie de plus en plus « décomplexée » et particulièrement mortifère pour les populations non-blanches : le suprémacisme occidental.

Le suprémacisme occidental est un fanatisme plus ou moins assumé. Il se décline en plusieurs versions ayant pour fil conducteur l’infériorisation et l’exclusion des populations non blanches du cercle fermé des « vrais » humains. 

Le suprémacisme occidental s’appuie sur un corpus idéologique combinant des vieilles et des nouvelles recettes. Les discours sur la pureté de la race blanche (dont le terroriste Payton Gendron nous a fourni une tragique caricature) coexistent avec d’autres discours, à peine plus sophistiqués, sur l’infériorité et l’ « arriération » des cultures des populations non blanches.

Ne pouvant plus justifier son règne par la seule domination militaire (à laquelle il n’a pas tout à fait renoncé), le suprémacisme occidental cherche à se maintenir en imposant une pyramide des normes universelles au sommet de laquelle figurent les « valeurs occidentales ».

Le lendemain de la tuerie négrophobe de Buffalo, Macarena Olona, députée espagnole membre du parti d’extrême droite Voz et candidate à la présidence de la région Andalousie, publiait sur son compte Twitter le message suivant : « Si tu importes de l’insécurité, tu auras de l’insécurité. Et cela n’a rien à voir avec la race. Le facteur déterminant, c’est l’origine. Parce qu’il y a des cultures qui sont une menace pour les femmes et les personnes homosexuelles. Dans mon pays, mes règles. Nos valeurs occidentales ». 

Du point de vue des apôtres du suprémacisme occidental, les populations non blanches ne sont pas des victimes mais des bourreaux ; les bourreaux des femmes (blanches et non blanches) et des homosexuels (blancs et non blancs) que l’Occident aurait ainsi le pouvoir et le devoir de « sauver ».

Le suprémacisme occidental est également un fanatisme de type révisionniste. Pour galvaniser ses adeptes, il lui faut réinventer l’histoire et, très souvent, raconter des histoires.

Ainsi, en réponse au pape François qui, à l’occasion de la célébration du bicentenaire de l’indépendance du Mexique, en septembre 2021, appelait à reconnaître les « erreurs » et les «péchés » commis par l’Église Catholique lors de la conquête du Mexique,  Isabel Díaz Ayuso,  présidente  de la communauté de Madrid, s’ « étonnait » qu’un «catholique  qui parle espagnol » puisse se livrer à de telles excuses, alors même que l’héritage de l’Espagne a été, selon elle, « précisément d’avoir apporté la langue espagnole, et à travers les missions, le catholicisme et, ce faisant, la civilisation et la liberté au continent américain ». 

Oubliés la réduction à l’esclavage de millions d’êtres humains.

Oubliés les massacres et l’extermination des populations autochtones par les colonisateurs.

Dans la marche des peuples « barbares » vers la « civilisation », le « Grand Remplacement » des populations amérindiennes par des envahisseurs européens n’est qu’un « dommage collatéral » ; un mal nécessaire pour diffuser la liberté et la religion chrétienne…

L’unité dans l’autonomie, un impératif vital pour les « Grands Remplaçants »

Pour les populations non blanches, le suprémacisme occidental n’est ni un simple vestige du passé, ni le fruit d’une quelconque spéculation intellectuelle. Il se traduit concrètement et directement dans nos vies :

  • A travers des passages à l’acte de criminels suprémacistes qui, à l’instar de Payton Gendron, ont été drogués à la théorie du « Grand Remplacement »
  • A travers des crimes policiers qui touchent massivement les populations racisées
  • A travers des législations d’exception visant spécifiquement les populations non blanches

Depuis sa création, le Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires (FUIQP) n’a cessé d’insister sur la spécificité du racisme que subissent les populations non blanches. Pour cette raison, le FUIQP s’est attaché à promouvoir la construction d’un mouvement autonome de lutte contre le racisme visant les populations non blanches et, dans le contexte français, les personnes issues de la colonisation.

 Pour avoir adopté une telle position, le FUIQP s’est vu reprocher, y compris par des organisations  « progressistes » se réclamant de l’universalité de la lutte contre le racisme, d’alimenter des divisions dans le camp antiraciste.

Cette attitude ne doit cependant pas nous surprendre. Elle correspond parfaitement à un phénomène que Malcolm X avait parfaitement su décrire dans un célèbre discours prononcé en 1964 : « Lorsqu’une maison prend feu et qu’une personne, alertée par les flammes, accourt en criant « au feu ! », le propriétaire de la maison, ainsi réveillé par les cris, commet parfois l’erreur d’accuser la personne ayant lancé l’alerte d’avoir mis le feu, alors même qu’il devrait lui exprimer sa gratitude ».

Parce que le suprémacisme occidental nous affecte, nous les populations non-blanches, de manière spécifique, la réponse que nous devons lui apporter doit s’appuyer sur nos réalités, en utilisant nos mots, en imposant nos priorités.

Le combat du FUIQP s’inscrit ainsi dans la droite lignée des combats menés par plusieurs générations de militant-e-s Afro-américain-e-s qui nous ont toujours inspirés et auxquels nous souhaitons rendre un vibrant hommage.

Dans Black Power, livre publié en 1967, Charles Hamilton et Stokely Carmichael (qui deviendra Kwame Touré) dressaient, a propos du combat des Afro-Américains contre le racisme, le constat suivant : « les Noirs en Amérique n’ont pas le temps de jouer aux gentils, de parler poliment, surtout dans un contexte où c’est la vie de leurs enfants qui est en jeu. (…) Nous, les Noirs, devrons répondre à notre façon, avec nos propres mots, d’une manière qui corresponde à notre tempérament ».

Cinq décennies plus tard, ce constat est toujours d’actualité.

Dans Black Power, Carmichaelet Hamilton insistaient également sur le coût de l’autonomie dans la lutte contre le racisme :

 « Celles et ceux qui assument la responsabilité de représenter les Noirs dans ce pays doivent accepter de renoncer à l’idée qu’ils peuvent le faire de manière efficace tout en maintenant un niveau maximal de confort. (…) Lorsqu’ on décide d’affronter vigoureusement le système raciste, on ne peut pas, en même temps, s’attendre à ce que ce système nous récompense ou même nous traite de manière confortable. Le leadership politique qui consiste à pacifier et adoucir sa voix sous prétexte de « gagner quelque chose pour les siens » revient à obtenir quelques pseudo-gains insignifiants qu’une société riche est parfaitement disposée à octroyer. »

Le FUIQP adresse ses sincères condoléances aux familles de nos frères et sœurs Afro-américain-e-s lâchement assassinés à Buffalo par le terroriste suprémaciste Payton Grendon.

Ce crime nous rappelle que les discours présentant les populations non blanches comme des « envahisseurs » ou des « Grands Remplaçants » menacent directement nos vies.

Dans ce contexte, il est plus que jamais urgent de s’unir pour survivre, s’unir pour ne pas subir.

Déclaration du Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires (FUIQP)


[1] Malcolm X, « The Black Revolution », 1964. (Notre traduction) 

[2] Notre traduction

La résistance du peuple palestinien contre la permanence de la nakba

Il y a 74 ans, en 1948, le peuple palestinien vivait la nakba – la catastrophe – c’est-à-dire le nettoyage ethnique de la population arabe palestinienne de la Palestine. 800 000 Palestinien-ne-s furent ainsi chassé-e-s de leurs terres et de leurs demeures alors que les colonisateurs sionistes détruisirent 531 villages et 300 hameaux pour empêcher le retour des Palestinien-ne-s.

Mais, depuis 1948, le peuple palestinien vit une nakba ininterrompue marquée par les massacres, les expulsions, les violences et plus largement une domination coloniale reléguant les Palestinien-ne-s à un état de sous-humanité.

Ces dernières semaines, l’État colonial a profané l’Esplanade des Mosquées qui comprend le troisième lieu saint de l’islam, la mosquée al-Aqsa, durant la période de Ramadan et le Saint-Sépulcre durant les célébrations de la pâque orthodoxe. L’État colonial a également bombardé la bande de Gaza qui vit sous un blocus inhumain depuis quinze ans. En Cisjordanie, notamment dans la ville de Jénine, il a cherché à écraser dans la violence toute forme de résistance afin de favoriser l’implantation de colons pour rendre impossible toute rétrocession du territoire.

L’assassinat par l’armée israélienne, ce 11 mai, de la journaliste palestinienne Shireen Abu Akleh a légitimement provoqué une nouvelle vague d’émotion et de solidarité avec le peuple palestinien. La mort tragique de Shireen Abu Akleh et les images de son enterrement marquées par l’attaque du cortège par la police israélienne sont venues une nouvelle fois rappeler la réalité de l’État colonial qui fait subir une nakba ininterrompue au peuple palestinien.

Dans son entreprise de colonisation de la Palestine, l’État sioniste bénéficie depuis 73 ans du soutien des forces impérialistes en général et de la France en particulier. Du vote en faveur de la création de l’État colonial en 1947 à l’ONU à la répression de la Révolution algérienne (1954-1962), de l’agression tripartite contre Suez en 1956 aux différentes guerres menées contre le Liban, en passant par la fourniture de l’arme nucléaire à Israël ou par la Guerre du Golfe de 1991, les impérialistes français et les sionistes se sont alliés pour maintenir l’hégémonie occidentale sur la nation arabe.

Le pouvoir français actuel s’inscrit pleinement dans la perpétuation de cette alliance coloniale qui a été scellée dans les guerres menées contre les peuples en lutte pour leur libération. La criminalisation du soutien à la Palestine et à son peuple n’a cessé de se renforcer ces dernières années. Depuis 2014 et la « bataille de Barbès », les expressions de solidarité avec le peuple palestinien ont été régulièrement interdites par le pouvoir français.

  • L’an dernier, alors que l’armée israélienne lançait un déluge de feu sur Gaza, Paris fut la seule capitale européenne où les manifestations de solidarité avec la Palestine furent interdites.
  • La volonté du pouvoir français de dissoudre deux organisations de solidarité avec le peuple palestinien, le Comité Action Palestine et le Collectif Palestine Vaincra, a marqué une nouvelle étape dans la répression du mouvement de solidarité en remettant en cause la liberté d’association.
  • Les campagnes menées au sommet de l’État pour criminaliser les campagnes de boycott de l’État colonial, comme BDS, sont une autre expression des politiques étatiques visant à criminaliser la solidarité avec le peuple palestinien.

Plus globalement, le silence assourdissant du monde politique et médiatique français concernant le meurtre de la journaliste Shireen Abu Akleh est une nouvelle manifestation du mur du silence que certains cherchent à bâtir autour de l’oppression coloniale vécue par le peuple palestinien. Où sont les défenseurs de la liberté de l’expression et de la liberté de la presse lorsque l’armée sioniste abat une journaliste palestinienne ?

Face à cette oppression, notre premier devoir, ici en France, est de soutenir la résistance du peuple palestinien qui lutte contre la colonisation et pour son droit à exister en tant qu’être humain et en tant que peuple. Dans le cadre de ce soutien, nous affirmons qu’il appartient seulement au peuple palestinien de déterminer les modalités de sa résistance et de choisir les organisations qui la mènent.

Nous devons continuer à nous organiser pour peser et exiger ainsi que l’État français mette fin à sa collaboration politique, économique, militaire et culturelle avec l’État sioniste. Nous exigeons la même chose de l’Union européenne, et plus particulièrement qu’elle rompe ses accords commerciaux avec l’État colonial.

Nous appelons notamment au boycott de l’État colonial et nous soutenons la campagne Boycott Désinvestissement Sanctions (BDS).

Nous appelons également à venir participer début juin à notre balade décoloniale à Paris qui sera une occasion de parler de la colonisation et du racisme et d’honorer le peuple palestinien.

Occuper est un crime, Résister est un droit

Vive la Palestine !

Tahya Filistine !

Vive la résistance !

Tahya al-mouqawama !

Front uni des immigrations et des quartiers populaires (FUIQP) Paris-Banlieue

15/05/2022

Les années qui viennent : soumission ou résistance ?

Le choix de dimanche dernier a été étrange et difficile pour de nombreux citoyens et encore plus pour les héritiers de l’immigration et les habitants des quartiers populaires. Choisir entre un ultralibéral autoritaire accompagnant sa destruction des conquis sociaux et des services publics par des débats écrans et des lois islamophobes d’une part et une candidate partisane d’un libéralisme racialisé ayant en son centre la « préférence nationale » et l’islamophobie d’autre part, est une expérience particulière. Dès les résultats du premier tour, le ton était à la colère devant un choix contraint, résultat d’une stratégie de longue date de la classe dominante visant à imposer ce choix binaire. La colère et la déception ont été d’autant plus forte que le vote Mélenchon avait pour la première fois depuis longtemps suscité de l’espoir social et politique dans les quartiers populaires. Si le programme de Mélenchon a contribué à mobiliser l’électorat de ces quartiers, c’est surtout le sentiment d’un discours en rupture avec le climat islamophobe largement banalisé de l’opposition de droite au parti socialiste en passant par la majorité présidentielle, qui a suscité l’espoir.

Quelque soit le choix fait dimanche dernier [de l’abstention pour ne pas choisir entre deux maux, au vote Macron pour faire barrage à Le Pen en passant par une minorité de vote Le Pen pour « foutre le bordel »], les électeurs héritiers de l’immigration et habitant les quartiers populaires, s’attendent désormais à cinq nouvelles années d’épreuves et d’attaques. En témoigne les résultats du second tour qui souligne que le second mandat de Macron s’enclenche sur la base d’une crise de légitimité inédite. En effet avec une abstention de 28,01 % et un vote blanc ou nul de 8.6 %, il faut remonter à un demi-siècle en arrière, en 1969, pour retrouver un tel pic d’abstention et de vote blancs. Les scores des deux candidats n’indiquent pas leur représentativité. Pour approcher celle-ci il convient de prendre en compte cette abstention et ce vote blanc c’est-à-dire de rapporter les scores au nombre d’inscrits. Macron est ainsi élu avec 38,5 % des inscrits alors que Marine Le Pen recueille les voix de 27,3 % des inscrits. De surcroît pour les deux candidats la moitié des suffrages portés sur leur nom n’était pas un vote d’adhésion mais un vote de barrage à l’autre candidat. Les uns ont voté Le Pen pour virer Macron et les autres Macron pour faire barrage à Le Pen. Le décalage entre la représentation politique et la société réelle est, aujourd’hui, une caractéristique incontestable de la société française. Si la réalité n’est pas nouvelle la tendance à la hausse du décalage est également indéniable : 16 % d’abstention en 2007, 19,6 % en 2012, 25,4 % en 2017 et 28,1 % en 2022. Une première conséquence de ce contexte à la sortie des urnes est qu’il ne reste au nouveau Macron qu’un seul chemin pour imposer ses réformes libérales impopulaires : passer en force et réprimer encore davantage les contestations sociales prévisibles.

Ces cinq années de galères sociales seront également logiquement une période d’éruptions islamophobes. Le résultat de Marine Le Pen au premier tour est en effet une non-surprise c’est-à-dire un résultat attendu. La montée importante du Rassemblement national a été promue par Macron lui-même. En empruntant à Marine Le Pen ses thèmes, ses mots et ses logiques, Macron produisait ainsi sa candidate idéale pour être réélue. Au passage cependant les idées racistes se sont enracinées, la division des classes populaires selon une ligne de couleur s’est accrue et le sentiment d’impuissance a également augmenté. On ne change pas un système qui gagne et il faut donc s’attendre à de nouvelles éruptions du gouvernement présentant l’immigration, les réfugiés, les musulmans de France, les non-Blancs ou les quartiers populaires comme causes de tous les maux de la société française. La production puis la promotion du variant Zemmour par une partie de la classe dominante sous la houlette du milliardaire Bolloré annonce même une intensification de cette logique du bouc émissaire. Celui-ci ne peut espérer en effet progresser que dans une logique de surenchère raciste que Macron comme Le Pen seront contraint de prendre en compte. Le résultat des présidentielles ancre ainsi un processus, non pas de droitisation du champ politique qui est déjà une réalité avérée, mais d’extrême-droitisation de celui-ci c’est-à-dire de fascisation.

Plus grave encore les scores de Le Pen et de Zemmour ne peuvent avoir qu’un effet d’encouragement aux passages à l’acte racistes. Des citoyens se sentiront autorisés à agressé oralement et/ou physiquement celles et ceux qui ont été mis en scène [et qui continuerons d’être mis en scène] comme menaçant l’identité française, ses service publics, sa laïcité, etc. Des policiers se sentiront tout autant encouragés à poursuivre et intensifier les contrôles au faciès, les violences et les atteintes à la dignité. Comment pourrait-il en être autrement alors même qu’une enquête électorale CEVIPOP annonçait 60 % d’intention de vote Le Pen pour le second tour 2022 chez les policiers et les militaires ?

Dans ce contexte particulier le FUIQP s’adresse en premier lieu aux sans-papiers, aux immigrés et à leurs familles, aux héritiers français de l’immigration et aux musulmans réels ou supposés pour rappeler que la soumission et le silence ne mettent jamais fin à l’oppression et à l’injustice. La lutte, la solidarité, la visibilité et l’organisation des premiers concernés ont toujours été incontournables pour enrayer les processus de transformation d’un groupe social en bouc émissaire et en ennemi de l’intérieur. Nous invitons donc toutes celles et ceux actuellement inorganisées à nous rejoindre pour avancer vers la constitution d’une réelle force des immigrations et des quartiers populaires qui fait aujourd’hui tant défaut.

Nous nous adressons ensuite à celles et ceux d’entre nous déjà organisés dans des associations ou collectifs politiques pour rappeler que l’éparpillement et les querelles intestines pour le leadership font partie de notre problème. Nous ne sommes pas contraints d’être unis sur tout pour agir ensemble. Il suffit pour cela d’être unis sur la volonté de mettre fin à la logique enclenchée en 2004 avec la loi sur l’interdiction du foulard conduisant à la banalisation de l’islamophobie dans le champ politique, dans le paysage médiatique comme dans la société globale. Nous avons besoin d’une maison commune, bâtie par toutes et tous, pouvant être en débat contradictoires sur de nombreuses questions mais capable de s’unir pour agir sur le cœur de notre oppression. 

Nous nous adressons enfin à l’ensemble des militantes et militants, associations et organisations, pour rappeler qu’une des conditions de possibilité du contexte actuel a été l’absence d’opposition massive à la logique islamophobe, aux violences policières, aux discriminations racistes, etc. Nous avons besoin d’un antiracisme conséquent ne transigeant pas d’un iota face aux nouveaux visages du racisme.

« S’unir pour ne pas subir » est la seule voie solide si nous voulons résister aujourd’hui et éviter une séquence fasciste en 2027.

Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires (FUIQP)

28/04/2022

Second tour des présidentielles : Que faire après la « gueule de bois » du premier tour ?

Les espoirs suscités par la candidature Mélenchon au premier tour chez les héritiers de l’immigration et plus largement dans les quartiers populaires sont à la hauteur des attaques violentes subies pendant le règne de Macron. Logiquement la « gueule de bois » qui découle du premier tour est également à cette hauteur.

49 % en Seine-Saint-Denis, 60% aux Mureaux ou à Trappes, 54% à Vaulx-en-Velin, 52 % à Roubaix, 50% à Evry-Courcouronnes, 48% à Vénissieux, 45% à Vitry-sur-Seine, plus de 40% dans les quartiers nord de Marseille, etc, ces chiffres indiquent la hauteur des espoirs et donc des déceptions et de la colère. Déceptions car les deux alternatives restantes pour le second tour sont catastrophiques pour les classes et quartiers populaires, particulièrement pour les non-Blancs.

Que ce soit Macron ou Le Pen, la précarisation et le démantèlement des services publics augmenteront, l’islamophobie et les violences policières se renforceront, le racisme décomplexé se sentira encouragé, les groupes multiples de la galaxie fasciste se sentiront autorisés à multiplier les passages à l’acte, les résistances et organisations antiracistes continueront d’être réprimées par une répression dure et douce, alliant dissolution d’associations, répression des militants, des actions et des collectifs, maccarthysme à but d’autocensure, etc.

A la déception s’ajoute la colère car la seule possibilité offerte par le second tour pour s’opposer à la venue au pouvoir de l’extrême-droite est le vote Macron c’est-à-dire pour un président qui est à la fois largement responsable de la montée du Rassemblement National et qui a déjà mis en application plusieurs des axes clefs des propositions de ce Rassemblement, notamment la mise en œuvre de lois et de mesures islamophobes.

Face à une telle situation, les appels « à faire barrage » se multiplient parfois avec un ton moralisant et culpabilisant insupportable et les appels à l’abstention et au vote blanc parfois avec un ton accusateur – accusation de trahison ou de naïveté – tout aussi insupportable.

Le piège actuel tendu par Macron avec la complicité de Le Pen ne pouvait conduire qu’à ce choix impossible ajoutant le risque de divisions durables à la réalité d’une régression certaine quelque soit le résultat final du second tour.

Ces deux positions, abstention et vote de barrage, étaient prévisibles et sont toutes deux à la fois compréhensibles et légitimes pour le FUIQP. Dans ces circonstances, nous appelons à ne pas insulter l’avenir car il faudra bien au sortir du second tour nous retrouver si nous voulons résister. Nous unir pour ne pas subir. Il faut donc pour nous raison garder.

Nous ne sommes en présence ni de « traîtres », ni de « naïfs », ni d’« inconscients » ou de « jusqu’auboutistes ». Nous sommes en présence d’un choix par contrainte entre le fascisant Macron et la fasciste Le Pen, entre la tumeur Macron et le cancer généralisé Le Pen. Dans un tel contexte, on peut comprendre l’existence de plusieurs options légitimes.

Cependant le choix que nous devons faire doit se réaliser en ayant conscience des conséquences. Celles-ci ne seront pas identiques pour tous et ne se déploieront pas au même rythme pour tous dans l’hypothèse d’une victoire de Le Pen. Les Sans-Papiers, les immigrés, les héritiers de l’immigration, les musulman-e-s, notamment celles qui portent le foulard, les non-Blancs de manière globale et plus largement les habitants des quartiers populaires seront largement les premières victimes et l’objet des attaques concrètes les plus virulentes. A commencer par la mise en œuvre des stratégies dites de « contre-insurrection » en général et de bouclage des pseudo zones de non-droits que revendiquent les nombreux policiers qui constituent un électorat désormais classique du Rassemblement National.

La situation n’est pas comparable à celle de 2002 ou de 2017. Entre un « racisme d’en haut » qui a fini par imbiber une partie non négligeable du corps social, une abstention de dégoût qui s’est installé durablement, une stratégie de répression et d’épuisement des luttes de Macron ayant enfanté une véritable haine sociale à son encontre, une stratégie de relooking du Rassemblement national – à laquelle a participé Macron lui-même mais aussi l’émergence et la promotion du variant Zemmour et le traitement médiatique de l’actualité par des groupe médiatique ayant choisi de se faire le relais des combats identitaires de l’extrême-droite – qui à force de répétition banalisent le vote Le Pen, etc.

Tous ces ingrédients rendent possible une victoire des héritiers du Vichysme et de l’OAS. Consciente de cette possibilité, la candidate du RN fait feu de tous bois. Avec les uns elle soigne son ravalement de façade « social », pour d’autres elle annonce le retrait du commandement unifié de l’OTAN et une politique de refus des blocs, pour d’autres encore elle prétend être favorable à l’existence d’un État palestinien.

C’est dans ce contexte particulier que nous sommes amenés chacune et chacun à nous positionner. Le FUIQP qui n’a cessé au cours de ces cinq ans de dénoncer et de combattre Macron sur tous les fronts (politique économique, islamophobie d’État et en particulier loi sur le séparatisme, violences policières, dissolution d’associations, etc.), considère qu’à situation exceptionnelle, il convient d’adopter une position exceptionnelle.

C’est pourquoi et contrairement aux échéances électorales passées, nous prenons position pour celle-ci en appelant à utiliser le vote Macron à contrecœur et sans illusion. Il s’agit pour nous de voter Macron pour mieux continuer à le combattre avec tous ceux qui refusent son projet de société quelque soit leur choix au second tour.

Bien sûr, nous sommes conscients qu’un vote ne suffit pas à inverser les rapports de force durablement. Si nous nous contentons de « faire barrage », et même si celui-ci réussit, nous serons dans une situation pire dans cinq ans. C’est pourquoi nous devons plus que jamais nous organiser pour faire entendre les voix et les intérêts des classes et quartiers populaires.

S’unir pour ne pas subir


Déclaration du FUIQP Paris-Banlieue et du FUIQP 59/62

18/04/2022

Journée internationale des droits des Femmes

Le FUIQP est une organisation nationale qui lutte contre les systèmes d’oppression en prenant en compte les discriminations de classe, de sexe, de genre et de race.

A l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes du 8 mars, nous, militantes du FUIQP rappelons que le féminisme est un combat contre le système capitaliste, raciste et patriarcal. La lutte féministe ne sera effective que si nous intégrons toutes les femmes dans leurs différences et leurs pluralités (noires, arabes, roms, tziganes, musulmanes ou perçues comme telles, LGBTQ+).

Nous refusons le pseudo féminisme islamophobe qui, au nom d’une liberté dévoyée, renforce l’oppression des femmes musulmanes et justifie les guerres impérialistes. Nous refusons le pseudo féminisme qui stigmatise et justifie la répression policière des hommes non blancs. La lutte pour nos droits et contre la violence patriarcale ne se fera pas sans la lutte contre le racisme sous toutes ses formes.

Nous sommes visées par un racisme systémique post colonial qui s’amplifie à chaque période électorale. Le racisme, l’islamophobie, la xénophobie et les discriminations qui y sont associés se manifestent de manière différente à l’égard des femmes et des filles.

Nous sommes la cible des politiques patriarcales et racistes qui nous assignent aux conditions de vie les plus précaires, qui nient la dimension systémique des violences sexuelles et sexistes et qui nous privent de notre liberté de nous organiser.

Ces formes multiples de discrimination entravent la jouissance de nos droits fondamentaux ou nous en privent. Elles dégradent nos conditions de vie et nous enferment dans la pauvreté.

Mais n’en déplaise aux gouvernants et aux médias qui prétendent parler de nous et pour nous, les femmes non blanches luttent et continueront de lutter pour l’égalité et la disparition de toutes les oppressions sexistes et racistes. Les victoires remportées par les femmes de chambres des hôtels Ibis et Hyatt, ou les salariées de l’entreprise ONET mais aussi les luttes menées par les hijabeuses ou les femmes « sans-papiers » sont un exemple pour l’ensemble des combats féministes et des luttes sociales. Ces exemples,qui ne représentent qu’une partie de la diversité et de la dignité des luttes portées par des femmes non blanches, nous rappellent également que c’est dans la solidarité et la lutte collective contre le système patriarcal et raciste que les victoires s’arrachent.

Nous exigeons la fin des discriminations dans l’accès à l’emploi et aux logements et des conditions de vie et de travail dignes. Nous demandons la régularisation des femmes « sans-papiers ». Nous exigeons l’abrogation de la loi de 2004 sur l’interdiction des signes religieux et de la loi confortant « les principes républicains » qui dégradent la vie quotidienne des femmes musulmanes de ce pays. Nous voulons que les femmes puissent accompagner leurs enfants aux sorties scolaires, se baigner dans les piscines et pratiquer leur sport sans faire l’objet de harcèlement. Nous exigeons que de réels moyens soient mobilisés contre les violences sexistes et sexuelles. Nous exigeons la fin des crimes policiers et de la politique carcérale raciste qui s’abat sur nos familles.

Nous ne cesserons d’être visibles et de lutter pour notre dignité.

Nous apportons notre soutien sans concession à toutes les femmes qui luttent : les hijabeuses, les élèves avocates et avocates, le syndicat de femmes voilées et libres, les jeunes filles qui, comme Anna-Chloé Dinah, subissent le harcèlement raciste, les luttes portées par les minorités de genre, les étudiantes, les précaires…

Nous ne cesserons jamais jusqu’à l’égalité totale en droit et en fait ! Nous continuerons à nous unir pour ne pas subir !

Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires

8/03/2022

Contre la sélection raciale des « bons » et des « mauvais » réfugiés

Depuis le début de la guerre en Ukraine, nous avons assisté à une sélection raciale des réfugiés voulant fuir ce pays en guerre. En effet, les résidents non-Blancs en Ukraine, souvent des étudiants africains, ont été empêchés de prendre les trains à destination de l’ouest du pays afin de gagner la frontière polonaise. Malgré ces entraves, celles et ceux qui ont pu gagner cette frontière se sont vu refouler par la police aux frontières polonaise qui a organisé une sélection raciale entre les « bons » réfugiés blancs autorisés à entrer dans l’Union européenne et les « mauvais » réfugiés non-blancs interdits d’entrer dans l’UE.

Toutefois, loin de se limiter à la police polonaise, la sélection raciale entre réfugiés blancs et non-blancs, entre « bons » et « mauvais », s’est largement exprimée en France au travers des politiques publiques qui sont en train d’être mises en œuvre, de prises de position de responsables politiques ou de figures médiatiques. En effet, depuis des années, un large consensus existe pour justifier le refus d’accueillir des réfugiés fuyant la guerre ou la dictature car la France ne pourrait pas « accueillir toute la misère du monde », selon la formule de Michel Rocard en 1989. Ainsi, ces dernières années, la France a fermé ses portes aux « mauvais » réfugiés non-blancs, syriens, érythréens, afghans ou soudanais. Toutefois, le discours public a totalement changé face à l’arrivée possible de « bons » réfugiés blancs, ukrainiens.

Par exemple, le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, Didier Leschi, qui, il y a quelques semaines, défendait l’action répressive de l’État vis-à-vis de migrants à Calais ou qui faisait la promotion des procédures de « retours volontaires » des migrants vers leurs pays d’origine, n’a pas hésité à opérer un retournement à 180 degrés concernant les réfugiés ukrainiens. Dans ce cas, et uniquement dans ce cas, « la France sera en capacité d’accueillir tous ceux qui se présenteront », selon Didier Leschi. Il est vrai que ces réfugiés blancs diffèrent des autres migrants non-blancs qui viennent « des pays du Sud, avec des difficultés d’intégration dans l’emploi, de rapport à la langue, qui ne facilite pas l’intégration ».

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, dont l’action contre les réfugiés n’est plus à démontrer, a expliqué que les réfugiés ukrainiens étaient « les bienvenus en France ». Il est allé plus loin en adressant un courrier aux maires de France afin de les inviter à se rapprocher des préfets pour organiser l’accueil des réfugiés ukrainiens.

Afin de soutenir cette action de l’État, la SNCF a annoncé la gratuité à tous les « bons » réfugiés ukrainiens qui voyagent à bord des TGV et Intercités. Est-il besoin de rappeler que les trains et les gares en plus de ne jamais être gratuits pour les « mauvais » réfugiés non-blancs, sont des lieux de contrôle et de répression conduisant à des arrestations, voire à des expulsions ?

Au niveau de l’opposition de droite, les prises de position ont fait apparaître la même dichotomie entre « bons » réfugiés blancs ukrainiens « bienvenus » et « mauvais » réfugiés non-blancs « malvenus ». Marine Le Pen, dont le simple nom de famille est associé à la « chasse à l’immigré » depuis au moins quatre décennies, s’est dite favorable à l’accueil de réfugiés ukrainiens en France au nom du respect de la Convention de Genève dont elle n’a jamais défendu l’application pour les réfugiés non-blancs. Valérie Pécresse qui défendait la « théorie » dite du « grand remplacement » il y a encore quelques jours, s’est prononcée en faveur de l’accueil de « bons » réfugiés blancs ukrainiens. La candidate de la droite n’a d’ailleurs pas caché la distinction qu’elle faisait entre réfugiés blancs et non-blancs puisqu’elle a justifié sa prise de position en affirmant que les « réfugiés ukrainiens qui justifieraient de ce statut [de réfugié], bien davantage que les faux réfugiés qui sont indûment entrés en Europe ces dernières années ».

Du côté de l’opposition des durs, envers l’immigration, de la gauche molle, la même dichotomie entre « bons » et « mauvais » réfugiés a été opérée. Candidate socialiste à la présidentielle et maire de la capitale, Anne Hidalgo a expliqué au travers d’un communiqué de la ville de Paris que la municipalité a « mis en place une cellule de crise afin de mettre tous les moyens en œuvre pour assurer l’hébergement des Ukrainiens bloqués à Paris ou qui viendraient s’y réfugier ». Est-il besoin de rappeler la situation scandaleuse dans laquelle se trouvent des milliers de réfugiés non-blancs à Paris ? Est-il besoin de rappeler également que la mairie de Paris n’a jamais déployé d’actions d’envergure pour remédier à cette situation, bien au contraire ?

Au niveau local, le traitement différentiel des « bons » et « mauvais » réfugiés peut apparaître de manière encore plus violente. Par exemple, la maire LR de Calais, Natacha Bouchart, qui, dans sa politique anti-migrants, a été jusqu’à prendre un arrêté d’interdiction de distribution de repas aux migrants le 2 mars 2017, s’est fait prendre en photo en train d’accueillir des migrants ukrainiens à la mairie de la ville.

Dans les médias dominants, la même dichotomie entre « bons » et « mauvais » réfugiés a été opérée par nombre d’éditorialistes, de journalistes et autres analystes. Le chef du service politique de BFM TV, Philippe Corbé, expliquait ainsi la distinction qu’il faisait entre « bons » réfugiés blancs ukrainiens et « mauvais » réfugiés non-blancs : « on parle pas de Syriens qui fuient les bombardements du régime syrien soutenu par Vladimir Poutine. On parle d’Européens qui partent dans leurs voitures qui ressemblent à nos voitures, qui prennent la route, et qui essayent juste de sauver leur vie ». Essayant de justifier le traitement différentiel des « bons » et des « mauvais » réfugiés en fonction de critère raciaux, le journaliste Olivier Truchot expliquait que « les Français se disent : l’Ukrainien, il me ressemble. Il a la même voiture que moi, je pourrais être à sa place. C’est pas du racisme, c’est la loi de la proximité ».

Suivant la même ligne racialiste, l’éditorialiste Christophe Barbier expliquait qu’« il y a un geste humanitaire évident parce que la nature des réfugiés n’est pas contestable » ; car pour lui les guerres en Syrie, en Afghanistan ou au Yémen n’ont peut-être jamais réellement existé. Il ajoutait qu’il était nécessaire d’accueillir les réfugiés ukrainiens « parce que ce sont des Européens de culture », c’est-à-dire que celles et ceux qui ne seraient pas « Européens de culture » peuvent continuer à mourir aux frontières de l’Europe sans susciter la moindre empathie de l’« intelligentzia » du pays des droits de l’homme blanc.

Les éditorialistes, responsables politiques et haut-fonctionnaires qui, dans le contexte actuel, prêchent un traitement différentiel pour les réfugiés ukrainiens par rapport aux réfugiés en provenance d’Afrique ou d’Asie, ne font que réactiver une doctrine très ancienne : celle de la « préférence ethno-raciale ». Cette doctrine a été le fondement des politiques migratoires menées par les pires régimes ségrégationnistes et racistes de l’histoire contemporaine.

En guise d’exemple, rappelons qu’en 1930, le parlement sud-africain votait une loi visant à limiter considérablement l’immigration en provenance de certains pays d’Europe. Parmi les États dont les ressortissants étaient jugés « non assimilables » et « non absorbables » dans la société sud-africaine, figuraient la Grèce, la Lituanie, la Pologne et la Russie. Dans une Afrique du Sud fondée sur la ségrégation raciale et où l’hystérie antisémite allait bientôt atteindre des sommets, la loi sur les quotas d’immigration visait principalement à stopper l’immigration juive en provenance d’Europe de l’Est1.

Huit décennies plus tard, la « doctrine Malan » n’a pas pris une seule ride ; dans le contexte français actuel, elle a tout simplement été assaisonnée à la sauce ukrainienne…

Alors, évidemment, lorsque nous dénonçons la sélection opérée entre « bons » réfugiés blancs ukrainiens « bienvenus » et « mauvais », ce n’est nullement dans le but de susciter le rejet de réfugiés ukrainiens qui fuient la guerre, comme un Eric Zemmour. Les réfugiés ukrainiens doivent indiscutablement être accueillis dans les meilleures conditions. Toutefois, les autres réfugiés quelque soit leur couleur de peau, leur culture ou leur religion, doivent être accueillis dans les mêmes conditions car il ne saurait y avoir de hiérarchie de race, de culture ou de religion si l’on prend au sérieux la notion d’égalité.

Toutefois, cette sélection raciale des « bons » et des « mauvais » réfugiés ne nous étonne pas. Elle s’inscrit dans la continuité d’une histoire coloniale qui n’en finit pas. Depuis plus de cinq cents ans, la colonisation a coupé l’humanité en deux : des êtres humains à part entière, les Blancs, et des êtres humains entièrement à part, les non-Blancs.

Cette logique coloniale de déshumanisation s’applique ici aux réfugiés, mais nous savons parfaitement qu’elle s’applique dans tous les domaines de l’existence.

Déclaration du Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires

05/03/2022

1 Voici comment Daniel François Malan, figure incontournable du nationalisme suprémaciste Afrikaner, théoricien et praticien très zélé de la politique d’apartheid, justifiait le vote de la loi sur les quotas d’immigration (Quota Act) en 1930 : « Je dirais que le premier principe est le désir qu’éprouve toute nation de préserver son développement sur la base de sa « composition originale ». Par conséquent, nos lois sur l’immigration ne pouvaient exclure des pays comme la Hollande, la France, le Commonwealth Britannique, ou encore l’Allemagne. Le second principe auquel je dois me référer est celui de l’« inassimilabilité ». (…) Chaque foyer a son caractère propre ; sa propre atmosphère, ses aspirations, ses perspectives, sa structure sociale et il est naturel que le chef de famille décide de préserver cette identité, ou de préserver ce caractère et ces perspectives.

C’est pourquoi, dans chaque foyer, on accueille de préférence non pas l’étranger qui a un point de vue différent, mais les membres de sa propre famille. Les nations désirent préserver leur homogénéité parce que chaque nation a une âme, et chaque nation désire naturellement que son âme ne soit pas divisée. Chaque nation considère, à tous points de vue,que c’est une faiblesse, dans le corps de cette nation, qu’il existe une minorité non digérée, non absorbée et non absorbable, car cela conduit toujours à toutes sortes de difficultés. » Cf. Milton Shain. The Roots of Antisemitism in South Africa. University of Virginia Press, 1994, pp.137-138.

La solidarité sans faille est une arme indispensable aux dominés

La convocation d’Anasse Kazib et d’autres militants de sa campagne aux présidentielles par la police est un révélateur de la nature de notre séquence historique. La procédure inique ouverte conte Anasse et ses camarades n’a d’autre objectif que celui d’intimider pour silencier. Le message est clair : taisez-vous sur les dominations et les injustices que vous subissez ou la répression s’abattras sur vous.

L’objectif est limpide à savoir instaurer et banaliser une logique maccarthyste pour faire taire toutes les voix discordantes dénonçant l’ignominie de l’ordre dominant. 


Ce qui arrive à Anasse aujourd’hui n’est pas un cas isolé. La répression à bas bruit de tous les collectifs ou associations refusant de se taire sur les injustices et les dominations est devenue la norme.  


Les interdictions et dissolution d’associations sont devenues monnaies courantes :  CCIF, CRI, Collectif Palestine Vaincra de Toulouse, Comité Action Palestine de Bordeaux, la fermeture administrative de la mosquée de Pessac, etc. Les tentatives de pénalisation des militants appelant à boycotter l’Etat d’Israël ne cessent pas de se multiplier. Les tentatives visant à criminaliser les militants syndicaux connaissent la même ascension exponentielle. Les oppositions à la politique de l’impérialisme français en général et en Afrique en particulier sont régulièrement stigmatisées de manière menaçante comme étant du soutien au terrorisme, au séparatisme, au jihadisme, etc.

Les faits reprochés sont à eux seuls significatifs de la période. Anasse et ses camarades sont accusés pour je cite « des faits d’organisation d’une manifestation sur la voie publique sans déclaration ». Il y a encore quelques années une telle poursuite aurait soulevé une mobilisation massive contre cette atteinte à la liberté de manifestation.

Les multiples rognements des droits démocratiques de cette dernière décennie au motif de la « lutte antiterroriste » ont ainsi banalisés le droit de regard sans limite de l’Etat sur les manifestations politiques et syndicales. Désormais Darmanin s’estime légitime pour trier les manifestations licite et illicites, halal et non halal.

Certes la loi le lui permet mais cela indique simplement qu’il ne faut pas confondre la légalité et la justice.

Face à un tel contexte il est urgent de retrouver les réflexes militants historiques adoptés dans le passé par tous les combattants contre la domination partout sur la planète. Ces principes sont simples et sont au nombre de trois :

L’attaque contre un militant est une attaque contre tous les militants

Le soutien contre la répression ne nécessite pas un accord sur toutes les positions défendues

La solidarité est toujours une arme des damnés de la terre.

Pour toute ces raisons le FUIQP se tient au côté d’Anasse et de ses camarades

Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires (FUIQP)
Paris, 03/03/2022

Non à la fermeture islamophobe de la mosquée de Pessac

Hier, la mosquée de Pessac a reçu une notification de fermeture administrative émanant de la Préfète de Gironde.

Cette volonté de fermer la mosquée de Pessac s’inscrit dans un contexte de répression contre les musulmanes et les musulmans : dissolutions d’associations de lutte contre l’islamophobie (CCIF et CRI), fermetures de lieux de culte musulman, vote de la loi d’exception contre le soi-disant « séparatisme », réorganisation du culte musulman sous la tutelle du ministère de l’Intérieur en violation de la loi de 1905 sur la séparation des cultes et de l’État, etc.

La campagne présidentielle charrie avec elle une nouvelle vague de propositions islamophobes allant de l’interdiction du hijab lors des compétitions sportives à l’expulsion de plusieurs millions de musulmans, suivant la « théorie » dite du « grand remplacement ».

Cette notification de fermeture administrative d’un lieu de culte musulman est donc une nouvelle atteinte portée aux libertés fondamentales en générale et aux libertés de conscience et de culte en particulier.

Les musulmanes et les musulmans ne sont pas des sous-hommes que l’État pourrait priver de leurs libertés fondamentales. Celles-ci leur sont garanties par la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Nous condamnons donc fermement la volonté préfectorale de fermer la mosquée de Pessac. Nous apportons également notre soutien fraternel à aux responsables de cette mosquée ainsi qu’aux musulmanes et musulmans de Pessac qui risquent de se voir privés de lieu de culte à l’approche du mois de ramadan.

Nous appelons tous les citoyennes et citoyens, toutes les organisations, partis et associations, attachés aux droits démocratiques à se mobiliser pour que cesse cette dérive maccarthyste aujourd’hui essentiellement limitée aux musulmans ou supposés tels mais qui ne peut que s’étendre demain à toute contestation de l’injustice de notre monde.

Se taire c’est cautionner;

Non à la fermeture de la mosquée de Pessac ;

Non à la gestion coloniale de l’islam et de musulmanes et des musulmans !

Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires

27/02/2022

Soutien au collectif « Palestine Vaincra » et au « Comité Action Palestine », aujourd’hui menacés de dissolution

Résister à la criminalisation de la solidarité envers le peuple palestinien !

ضربني وبكي

وسبقني واشتكي

Il m’a frappé, et a pleuré

Puis il s’est empressé de m’accuser

(Proverbe arabe)

Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé son intention de demander la dissolution de deux associations défendant les droits du peuple palestinien : le collectif « Palestine Vaincra » de Toulouse et le comité « Action Palestine » de Bordeaux.

Si cette décision était confirmée, elle serait l’aboutissement d’un double processus sur lequel nous n’avons cessé d’alerter au cours de ces dernières années:

–       d’une part, l’intense campagne de propagande que l’extrême droite israélienne et ses nombreux relais en France mènent depuis des années contre des organisations dont le seul crime est d’exprimer leur solidarité envers un peuple martyrisé : le peuple palestinien.

–       d’autre part, une impitoyable chasse aux sorcières lancée par le gouvernement français contre plusieurs associations, en particulier celles dirigées par des citoyens musulmans ou supposés tels, au nom de la lutte contre le terrorisme, l’islamisme, ou encore le « séparatisme ».

Au-delà de l’accusation, désormais classique, de « soutien au terrorisme islamiste», systématiquement brandie pour discréditer des individus et des associations aux yeux de l’opinion publique, d’autres motifs invoqués par le ministre de l’intérieur ont de quoi laisser pantois.

En effet, Gérald Darmanin accuse le collectif « Palestine Vaincra » et le « Comité Action Palestine » de diffuser la « haine envers Israël ». MDR !

Rappelons qu’en décembre 2019, c’est au nom de la lutte contre la « haine envers Israël », grossièrement amalgamée avec l’antisémitisme, que l’Assemblée nationale adoptait une résolution (pour l’instant non contraignante), considérant comme « antisémite » le « traitement inégalitaire de l’État d’Israël, à qui l’on demande d’adopter des comportements qui ne sont ni attendus ni exigés de tout autre État démocratique ».

Prenons nos maîtres chanteurs de l’antisémitisme au mot. Nous accusera-t-on de « haine envers Israël » si l’on rappelle que l’État qui se targue, depuis des décennies, d’être la « seule démocratie du Moyen Orient » a été un des principaux et derniers soutiens du régime raciste et suprématiste d’apartheid en Afrique du Sud ? Quand le renard se met à prêcher, gare aux poules !

En 2012, Miri Regev, membre de la Knesset (le parlement israélien) déclarait que les migrants Africains, qualifiés d’ « infiltrés » par le gouvernement, sont « un cancer dans notre corps » ; une vision partagée par une bonne partie de la classe politique israélienne. Le rappel de tels faits nous vaudra-t-il d’être taxés de propagateurs de « haine envers Israël » ?

Si la lutte contre la « haine envers Israël » suppose de garder le silence face au véritable terrorisme d’Etat que subit le peuple palestinien depuis des décennies, alors les inconditionnels de la puissance occupante pourront continuer à nous considérer comme leurs adversaires : nous ne nous tairons pas !

Gérald Darmanin, qui a visiblement reçu plusieurs doses d’un vaccin hélas inefficace contre le ridicule, accuse également le comité « Action Palestine » de diffuser « le sentiment d’oppression des peuples musulmans » ou encore « l’idée d’une islamophobie à l’échelle internationale ». PTDR !

Darmanin cherche-t-il à nous faire oublier qu’il fait partie d’un gouvernement ayant lancé une croisade contre les « islamo-gauchistes » à l’université, au sein des partis politiques et dans les médias ? Nul besoin de se projeter à l’« échelle internationale » ; l’islamophobie qui sévit tous les jours en France ne relève nullement d’un « discours victimaire ».

A l’image des soutiens inconditionnels des gouvernements israéliens successifs, le ministre de l’intérieur français procède, de manière quasi-systématique, à une inversion accusatoire que le militant Afro-américain des droits humains, Malcolm X, avait parfaitement décrit en son temps : « si vous n’êtes pas vigilants, nous prévenait Malcolm X dans les années 1960, ils parviendront à vous faire détester les gens opprimés et aimer ceux qui les oppriment ».

C’est précisément parce qu’ils souhaitent demeurer vigilants face à l’oppression du peuple palestinien que le collectif « Palestine Vaincra » et le « Comité Action Palestine » sont aujourd’hui menacés de dissolution.

Face à cette nouvelle campagne de criminalisation de la solidarité envers les Palestiniens, mobilisons-nous !

N’en déplaise à Darmanin et aux soutiens inconditionnels du colonialisme israélien, nous continuerons notre « soutien inconditionnel » au droit du peuple palestinien de résister face à son oppresseur, l’État d’Israël.

Palestine vaincra !

Occuper est un crime, résister est un droit

Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires

27/02/2022

La dissolution de la Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie (CRI) : Une nouvelle étape dans la banalisation de l’arbitraire politique

COMMUNIQUÉ DU FUIQP

Le mercredi 20 octobre 2021 le ministre de l’intérieur Gérard Darmanin a annoncé la dissolution de la Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie. Le motif officiel invoqué est que cette association appelle à la « haine, à la violence et à la discrimination ». Cette nouvelle dissolution intervient après celle du CCIF en décembre 2020 suivie de celles d’autres associations depuis sans que cela n’ait suscité de mobilisations à la hauteur de ces atteintes grave aux libertés d’association et d’expression. Une nouvelle fois preuve est faite qu’en matière de droits démocratiques le silence et l’absence de solidarité sur l’atteinte aux droits d’un militant ou d’une structure militante a pour effet de banaliser l’arbitraire et de généraliser la logique du bâton pour faire taire les voix discordantes.

Le décret portant dissolution du CRI est tout autant que celui concernant le CCIF l’année dernière significatif de cette logique du bâton se justifiant par une dénonciation des « intentions supposées » et non comme le voudrait le principe même de justice sur le fait de sanctionner des propos ou actes illégaux. Il est ainsi reproché au CRI de « cultiver le soupçon d’islamophobie au sein de la société française » ou encore de « présenter comme islamophobe les dispositions relatives à l’interdiction de dissimulation du visage dans l’espace public » ou enfin de « tenir un discours antisioniste appelant des messages à teneur antisémites » (sic), etc. Ces quelques exemples suffisent à démontrer que ce sont des opinions qui sont poursuivies et non des faits et propos délictueux. Penser qu’il existe une islamophobie en France, être en désaccord avec une loi ou critiquer le sionisme suffit désormais pour justifier une dissolution.

Cette nouvelle interdiction survient dans le contexte électoral d’une présidentielle marquée du côté du gouvernement par une course pour capter les voix d’extrême-droite avec la construction médiatique d’un Zemmour en charge de fixer le rythme et le degré de cette tentative d’extrême-droitisation de l’ensemble du champ politique. Pour que cette tentative soit efficace il est nécessaire non seulement de reprendre les thèmes classiques de l’extrême-droite mais aussi de diffuser la peur pour produire des réflexes d’auto-censure du côté de toutes les voix dissidentes. Après la campagne sur l’islamo-gauchisme, la banalisation des interdictions d’associations et de collectifs traduit cette volonté de réduire au silence par la peur et la répression tous ceux dénonçant le racisme et notamment le racisme d’Etat et l’islamophobie, les violences policières, le soutien au peuple palestinien, etc.

Nous avons déjà connu dans l’histoire d’autres séquences historiques caractérisées par une politique de contrôle de la pensée par la peur et la menace. Ce fut le cas en 1937 quand le gouvernement Blum dissolvait l’Etoile Nord-Africaine pour son engagement anticolonialiste. Ce fut le cas en 1980 avec la dissolution de la FEANF (Fédération des étudiants d’Afrique noire en France) en raison de sa dénonciation de la Françafrique et plus largement de l’impérialisme français. A chaque fois ces dissolutions ont été le prélude à une logique sécuritaire renforcée pour tous.

Le FUIQP condamne, bien entendu, cette nouvelle dissolution et appelle à une solidarité totale avec les militants du CRI. En nous solidarisant avec le CRI c’est nous même et l’ensemble des droits démocratiques conquis de haute lutte que nous défendons. Dans certaines circonstances comme celles d’aujourd’hui se taire c’est cautionner.

Plus que jamais nous devons nous Unir pour ne pas subir.

Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires ( F.U.I.Q.P.)

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