Crime odieux et instrumentalisation scandaleuse.Le devoir de penser les causes.

Déclaration du FUIQP

L’assassinat de Samuel Paty, enseignant d’Histoire de Conflans-Sainte-Honorine, est un crime odieux et une horreur sans nom. Le FUIQP tient en premier lieu à adresser ses condoléances à la famille et aux proches de la victime dans l’épreuve qu’ils subissent. Rien ne peut justifier ou excuser un tel acte et aucune circonstance « atténuante » ne peut être avancée devant ce qui ne peut être qualifié que par le terme d’« horreur ». Elles vont également au corps enseignant projeté au premier rang de l’actualité par cet acte effroyable contre l’un de leurs collègues et évidemment aux élèves de ce collège. A ces pensées et à la condamnation sans faille de cet acte abominable, s’ajoute la dénonciation des récupérations politiciennes qui incriminent les musulmans en France. Ils se retrouvent une nouvelle fois sur le banc des accusés par les discours médiatiques et politiques réducteurs qui se multiplient et s’attendent de nouveaux à subir une multitude de passage à l’acte islamophobes. Les musulmans en France, réels ou supposés, se retrouvent une nouvelle fois pris en étau entre les agissements de quelques « terroristes » dont ils sont par ailleurs aussi les victimes et des groupes islamophobes les présentant comme complices de celle-ci.

Mais l’indignation ne suffit pas. Elle doit certes s’exprimer le plus fortement possible mais elle sera inutile socialement et politiquement si elle n’est pas accompagnée de la prise en compte des causes [de toutes les causes] qui rendent possibles un tel acte. Les premières réactions du gouvernement Macron vont à l’opposé de cette direction. Elles indiquent la volonté d’instrumentaliser la sidération collective devant l’horreur comme « effet d’aubaine » pour un gouvernement décrédibilisé et atteint par une crise de légitimité profonde. L’organisation d’une « expédition punitive » très large rappelant les pratiques de répression coloniale en témoigne. L’annonce d’une charrette d’arrestations et d’expulsions et d’une vague de dissolution d’associations jugées « complices » du meurtrier [et même plus largement considérées comme « ennemies de la République »] d’autre part, le confirme. Ce type de mesure met à l’index et désigne comme bouc émissaire l’ensemble des musulmans. Il les présente à l’opinion publique comme responsables plus ou moins directs de l’acte abominable [ et de ceux qui pourraient malheureusement survenir à l’avenir] qui nous endeuille tous. La figure du musulman criminogène, ennemi de l’intérieur et porteur de barbarie et de violence aveugle est ainsi promue médiatiquement et politiquement. Elle ne peut que déboucher sur une islamophobie encore plus systémique et structurelle dans un contexte d’une société caractérisée par la paupérisation et la précarisation [produites par les politiques néolibérales depuis de nombreuses décennies que la pandémie et ses conséquences économiques ont encore accrues brusquement et considérablement].

Le fait que le CCIF soit une des associations visées par la menace de dissolution met en exergue un autre objectif de la tentative d’instrumentalisation de notre émotion collective face à l’horreur sans nom. Cette association fut et reste un des acteurs essentiels des prises de consciences de l’existence d’un racisme islamophobe en France et des mobilisations pour le combattre. Faire taire, par la peur et la menace, tous ceux [Barakacity, Ummah charity, et bien d’autres] qui ces dernières années ont utilisé leur liberté d’expression pour dénoncer le racisme islamophobe est à l’évidence un des objectifs de l’instrumentalisation du drame de Conflans. Le climat islamophobe est en effet bien utile, à chaque fois qu’émerge le besoin d’un « débat écran » pour détourner l’attention d’une colère sociale légitime issue des conséquences des choix politiques et économiques.

Notre dénonciation du crime odieux de Conflans doit s’étendre à la dénonciation de son instrumentalisation politique. Ne pas le faire, c’est alimenter un processus de décomposition sociale ne pouvant être que porteur de passages à l’acte violents, que cette violence s’argumente d’une pseudo défense de l’Islam ou d’un prétendu combat contre la menace islamiste. Plus que jamais nous avons besoin de solidarité, d’organisation et de clarté dans nos analyses.

Refusons l’injonction au silence. Organisons-nous. Démasquons l’instrumentalisation de notre émotion.

Paris le 20 octobre.