De la chasse aux sorcières en général et de celle contre Houria Bouteldja en particulier

Soutien sans faille du FUIQP 59/62.

Disons le nettement nous avons longtemps hésité à publier cette prise de position. Cette hésitation n’a rien à voir la nécessaire solidarité devant les calomnies déversées sur Houria Bouteldja puis sur ceux osant la soutenir. La cause de notre hésitation est le refus d’être une nouvelle fois otage d’un agenda imposé politiquement et médiatiquement d’une part et la volonté de rester ancré sur nos luttes de terrain d’autre part. L’inscription dans la durée et la montée en charge de la polémique diffamatoire nous contraint à sortir du silence. Notre soutien à Houria Bouteldja est sans faille. Face aux tentatives de division, d’isolement, de déformation des propos, de répression, etc., la seule réponse possible est la solidarité sans faille. C’était vrai pour d’autres hier et en particulier contres certains militants du FUIQP, cela reste vrais pour Houria Bouteldja ou Danièle Obono aujourd’hui, cela restera vrais pour quiconque sera attaqué en raison de sa dénonciation du traitement d’exception subit par les populations issues de la colonisation.

De quoi s’agit-il ?

La publication, le 10 juin 2017, dans le supplément « Idée » du journal « Le Monde » d’un article de Jean Birnbaum intitulé « « La gauche déchirée par le racisme antiraciste » sonne le début d’une énième offensive contre « l’antiracisme politique ». L’auteur n’y faisait que ressasser les mêmes balivernes d’une dérive « différentialiste » et « racialiste » dans l’antiracisme politique conduisant selon l’article à la négation de l’universalité et au racisme anti-blanc. Houria Bouteldja est dans cet article par citations interposées tout simplement accusée de racisme, de sexisme, d’antisémitisme. La publication dix jours plus tard dans le même journal d’une tribune intitulée « Vers l’émancipation, contre la calomnie. En soutien à Houria Bouteldja et à l’antiracisme politique » par 21 intellectuels suscite en réaction une multitude
d’articles, de prises de positions, de pseudo-analyses, de post sur facebook, etc.,qui ne peut se qualifier que par l’expression « chasse aux sorcières ». « Touche pas à ma raciste (ces intellectuels qui soutiennent Houria Bouteldja) » titre ainsi la revue Marianne. Le 5 novembre 2017 la chasse aux sorcières s’élargie. Désormais Houria Bouteldja
n’est plus la seule cible de la nouvelle campagne. Pour avoir refusé de condamner Houria et l’avoir appelé « camarade dans la lutte antiraciste», la députée « France
Insoumise », Danièle Obono devient à son tour la cible de salves médiatiques à
répétition. Plus grave l’inquisiteur était trouvé dans le nouveau président de la LICRA, Mario Stasi demandant à Jean-Luc Mélenchon de clarifier sa position sur le PIR présenté comme ayant une « doctrine exclusivement vertébrée par le racisme
et son obsession des Juifs ». Désormais tous ceux refusant les calomnies contre
Houria sont considérés comme des cibles potentielles de la chasse aux sorcières.

La tentative d’imposition d’une police idéologique

L’élargissement des cibles de la chasse aux sorcières révèle la tentative
d’imposition d’une police idéologique touchant tous ceux qui refusent de limiter le
combat antiraciste à des discours vagues sur la tolérance, le vivre ensemble, le touche pas à mon pote, etc. L’antiracisme abstrait et idéaliste recherche ainsi à se
réimposer après plusieurs décennies de reculs imposés par les luttes d’associations et de collectifs ayant mis en avant des revendications et des formes de luttes
correspondant à leurs problèmes concrets qui posent inévitablement des questions systémiques et structurelles. Toute dénonciation de l’islamophobie, du racisme d’Etat, de la violence policière comme système (et non comme bavure), court
désormais le risque du procès en sorcellerie. Il s’agit ainsi de silencier des voix dissidentes, d’imposer idéologiquement une limite à la critique du système inégalitaire, de réassigner à une place d’objet ceux qui ont osés tenter de prendre une place de sujet politique.
L’élargissement des cibles a également un autre objectif, concernant la politique internationale de l’Etat français, que révèle la fréquence de l’accusation « d’antisémitisme » dont sont l’objet les militants de l’antiracisme politique toutes organisations confondues. Il s’agit ni plus ni moins que de légitimer la
criminalisation de l’antisionisme en l’amalgamant avec l’antisémitisme. Ce n’est ainsi pas un hasard que le nouvel inquisiteur soit la LICRA. Cette organisation
considère en effet par la voix de David-Olivier Kaminski, conseiller spécial du Président de la LICRA que « depuis quelques années le nouveau visage de
l’antisémitisme porte celui de l’antisionisme ». En juillet 2017 le président Macron lors de la cérémonie en mémoire de la rafle du Vel d’Hiv caractérise à son tour l’antisionisme comme « la forme réinventée de l’antisémitisme ».

Il n’en fallait pas plus pour que le CRIF se sente autorisé à exiger une loi de criminalisation de l’antisionisme : « J’ai demandé au Premier ministre, au ministre de l’Intérieur et à la ministre de la Justice de faire en sorte que cette définition, qui prend en compte l’antisionisme comme forme nouvelle de l’antisémitisme, soit transposée dans l’arsenal législatif français » déclare son président Francis Kalifat le 8 novembre 2017. Cette logique une fois enclenchée est une véritable boite de
Pandore pouvant élargir ensuite la cible à toute critique de la politique étrangère : contre les guerres néocoloniales et les ingérences de la Françafrique ou contre la monnaie coloniale qu’est le franc CFA par exemple.

La solidarité est une nécessité politiquement vitale

Face à l’ampleur de l’offensive la question de la solidarité sans condition
n’est pas une option mais une nécessité. Des procès contre Houria
Bouteldja, Saïd Bouamama et Saïdou de ZEP, aux attaques actuelles
contre Houria Bouteldja et Danièle Obono, en passant par les tentatives
d’annulation du festival Nyansapo et du camps d’été décolonial, par les
procès contre des militants de la campagne BDS ou par l’annulation
récente d’un colloque contre l’islamophobie à Lyon, ce qui se dessine c’est
bien une réassignation violente à l’invisibilité et au silence politique qui
se révèle.

Sans solidarité politique c’est le suicide
politique collectif que nous permettons