DÉCLARATION DU FUIQP
Il y a déjà 60 ans, en pleine guerre d’Algérie, plusieurs dizaines de milliers d’Algériennes et d’Algériens descendaient pacifiquement dans les rues de Paris à l’appel de la Fédération de France du FLN pour protester contre le couvre-feu imposé de manière discriminatoire aux seuls Algériens par le préfet Maurice Papon et pour la libération de leur pays. Car les manifestations du 17 octobre 1961 furent d’abord un acte de courage et de résistance face à l’arbitraire colonial.
Il y a déjà 60 ans la police française commettait dans les rues de Paris le massacre de dizaines de manifestantes et manifestants algériens qui défilaient pacifiquement. Il s’agissait du plus grand massacre de toute l’histoire contemporaine française, depuis la Commune de Paris de 1871. Ce massacre a été commis dans une indifférence quasi-générale, sans mobilisation pour le dénoncer et sans même pendant des décennies de commémorations militantes de la part des forces démocratique et de gauche françaises.
Il y a déjà 40 ans les héritiers de ces Algériens assassinés commençaient leurs mobilisations pour que soit reconnue officiellement ce massacre comme crime d’Etat et pour que toute la vérité soit faite sur les responsabilités de celui-ci. Ce sont ces mobilisations, d’abord modestes et en nombre limité et ensuite plus conséquentes et en plus grand nombre, qui brisèrent la chape de plomb qui pesait sur ce crime d’Etat. Depuis de nombreux travaux d’historiens sont venus documenter le massacre, en souligner le caractère prémédité, l’ampleur de la violence mise en action, les rafles massives et expulsions qui l’ont accompagnées, etc.
Il y a déjà 9 ans, le 17 octobre 2012, que nos mobilisations ont conduit le président de la République François Hollande à reconnaître officiellement ce qu’il a, à l’époque dénommé, de manière euphémique « une répression sanglante », expression que reprendra presque mot pour mot le président Macron, six ans plus tard en parlant de « répression violente ». Ces reconnaissances euphémisées sont à la fois le résultat de nos mobilisations rendant impossible la chape de plomb antérieure et une tentative pour éviter que toute la lumière soit faite et toutes les responsabilités rendues publiques sur ce crime d’Etat.
D’autres procédures sont également déployées depuis plusieurs années avec les mêmes objectifs : présenter le 17 octobre 1961 comme étant de la seule responsabilité du préfet Papon, découper les faits de cette journée des séquences qui l’ont précédées et suivies qui sont elles aussi caractérisées par une violence d’Etat quotidienne contre les Algériens en général et contre les militants indépendantistes en particulier ; faire abstraction du contexte de négociation avec le FLN pour l’indépendance c’est-à-dire occulter que le massacre a été sciemment utilisé comme arme de realpolitik, etc.
Certaines reconnaissances officielles peuvent ainsi prendre la forme d’un enterrement de la question posée. C’est pourquoi le FUIQP appelle à la vigilance et à la mobilisation pour que les véritables enjeux soient posés et l’ensemble des responsabilités dénoncées. Faute de cela la reconnaissance officielle sera un piège, nos indignations se mueront en commémoration consensuelle mais elles seront vidées de tout contenu politique c’est-à-dire qu’elles seront dévitalisées et désincarnées.
Ce n’est pas que pour le passé que nous avons besoin d’une reconnaissance réelle et totale des massacres du 17 octobre 1961 mais aussi pour aujourd’hui et pour demain. C’est dans ce massacre d’Etat et dans de nombreux autres actes de l’Etat pendant cette période particulièrement, pendant la période coloniale plus largement, que s’origine le racisme systémique et le racisme d’Etat contemporain.
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