A propos de la validation par le Conseil d’Etat de la dissolution du CCIF

Refusons l’antiracisme à durée déterminée

Sans surprise le Conseil d’Etat a validé le 24 septembre la dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). Au prétexte de la lutte contre « l’islamisme » c’est ainsi à une association antiraciste que s’attaque le gouvernement. Alors que l’islamophobie est une des formes du racisme contemporain les plus présentes dans l’hexagone et la plus en développement, une des rares associations se consacrant à la combattre se voit priver de ses moyens d’action. Cette validation du conseil d’Etat se déploie en outre dans un contexte médiatique et politique de libération de la parole raciste en général et islamophobe en particulier, de banalisation des idées d’un Zemmour du fait de la promotion médiatique dont il bénéficie, de focalisation de la campagne des présidentielles sur les questions de l’identité, de l’immigration, de l’islam, etc.

Suite à cette décision du Conseil d’Etat de nombreuses associations se sont exprimées individuellement ou collectivement pour condamner la validation du conseil d’Etat et en souligner les dangers. Le FUIQP s’associe évidemment à ces condamnations. Notre organisation ne cesse, en effet, d’appeler à la mobilisation contre l’islamophobie depuis plusieurs décennies et à souligner le caractère central de cette forme de racisme dans l’offensive idéologique dominante réactionnaire.

Toutefois, force est de constater le caractère tardif de la prise de conscience, des dangers portées par l’islamophobie, par un certain nombre de ces associations. De même, de nombreuses associations sont restées silencieuses au moment des mobilisations contre la loi sur le « séparatisme » dont une des conséquences les plus immédiates est l’épée de Damoclès de la dissolution pour faire taire les voix dissidentes. Cette loi du 24 août 2021 dite « confortant les principes de la République » n’a pas eu la réponse militante qu’elle méritait, alors qu’elle est une loi d’exception et une expression du racisme d’Etat, du fait du silence de certains d’une part et du choix de privilégier le combat contre l’autre loi liberticide de la période d’autre part : la loi sur la sécurité globale.  Ce double standard de la mobilisation face à ces deux lois a été ressenti comme un isolement objectif par de nombreux habitants des quartiers populaires et par les groupes militants qui se sont mobilisés contre la loi sur le séparatisme.

La conclusion essentielle de cette amère expérience est plus que jamais la réaffirmation de la nécessité de bâtir une organisation autonome des héritiers des luttes des immigrations et des quartiers populaires sans laquelle nos préoccupations premières continueront d’être reléguées à un rang second de l’agenda des mobilisations ; sans laquelle le paternalisme et le fraternalisme continuera de régner dans les rapports aux populations héritières de l’immigration et des quartiers populaires ; sans laquelle l’antiracisme folklorique restera prédominant ; sans laquelle nous resteront cantonnés dans le rôle de « réserve de bulletins de vote » pour les rabatteurs de tous poils et les antiracistes à durée déterminée [la durée de chaque campagne électorale] ; etc.

Subissant directement l’islamophobie, notre engagement ne saurait être déterminé par autre chose que la défense de nos droits et de nos libertés.

Il est grand temps de nous organiser et de s’unir pour ne plus subir