« Etat d’urgence », « couvre-feu », envoi de troupes, censure, milices de colons, manipulation du corps électoral, etc., ces termes évoquent, pour beaucoup, la pire période de la « pacification » en Algérie après le vote des pouvoirs spéciaux en 1956. Le retour de ces termes et pratiques en Kanaky en 2024 avec les mêmes conséquences immédiates (déjà cinq morts et des centaines de blessés), les mêmes objectifs (empêcher l’accès à l’indépendance exigé massivement par le peuple), la même propagande (lutte antiterroriste, protection des colons, stopper une violence aveugle et fanatique, rétablissement de l’ordre, etc.), suffit à diagnostiquer les « troubles » et « événements » (autres termes communs aux discours sur l’Algérie de la décennie cinquante du siècle dernier et à ceux sur la Kanaky aujourd’hui) en cours : une guerre coloniale opposant un Etat impérialiste et ses forces militaires et policières d’une part et un peuple aspirant à vivre libre et souverain.
Le peuple kanak n’a jamais accepté la colonisation. Depuis l’arrivée des troupes françaises en 1853 la résistance n’a jamais cessé. En témoigne les grandes insurrections de 1878 et 1917 qui furent noyées dans le sang : « En 1878, une prime était donnée pour chaque paire d’oreilles de soi-disant rebelle tué. Comme les soldats apportaient des oreilles de femmes et d’enfants, on édicta qu’il faudrait apporter les têtes et l’on tint état de ces macabres pièces à conviction. En 1917, à la dernière rébellion, la prime était de 20 F pour un prisonnier et de 25 F pour un mélanésien mort! » rappelle l’ethnologue Jean Guiart.
La résistance du peuple Kanak a contraint le pouvoir colonial à reconnaître formellement le droit à l’autodétermination dont l’ONU exige le respect depuis 1946. La loi dite de « dégel du corp électoral » votée par l’Assemblée nationale dans la nuit du 14 au 15 mai vise à modifier le corps électoral pour piper le résultat du vote d’autodétermination en octroyant à des colons non nés en Kanaky et à leurs descendants le droit de vote sur l’avenir du pays. Avant cette loi qui n’est rien d’autre qu’une tentative d’imposer de force le maintien de la colonisation, seuls les personnes inscrites sur les listes électorales avant la date de signature des accords de Nouméa en 1998 et leurs descendants pouvaient voter au référendum d’autodétermination. Une telle pratique revient à la logique décrite par le grand dramaturge progressiste Berthold Brecht qui disait : « Puisque le peuple vote contre le Gouvernement, il faut dissoudre le peuple. » Devant une telle violence institutionnelle et légale, le peuple Kanak n’avait et n’a qu’un seul choix : soit renoncer à son droit à l’indépendance, soit se révolter. Nous avons ici une nouvelle confirmation de la nécessité de ne pas confondre légitimité et légalité. L’esclavage fut jadis légal mais jamais légitime, l’apartheid fut légal mais toujours illégitime.
Comme toutes les colonisations derrière cette violence « légale » se cache la défense d’intérêts économiques et géostratégiques : 1) 20 % des réserves mondiales prouvées de nickel se trouve en Kanaky, 2) la « zone économique exclusive » c’est-à-dire de la zone maritime dont dispose légalement la France du fait de sa possession de la Kanaky recouvre . une superficie de 1 740 000 km2 riche en métaux rares et prometteuse en hydrocarbures, 3) La Kanaky est un nœud stratégique pour le contrôle de la zone Asie-Pacifique, etc.
Hier comme aujourd’hui, en Kanaky et en Palestine comme ailleurs, la colonisation n’a pour seule raison d’être que le profit et les enjeux géostratégiques permettant de le maximiser.
Vive la lutte du peuple Kanak pour son indépendance
Occuper est un crime, résister est un droit
Communiqué du Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires (FUIQP)