Soutien au Collectif Chapelle debout ! et aux résidents de l’ « Ambassade des migrants »
Comme l’aigle en plein vol
Qui défie les frontières
Et défend son honneur
J’ai passé ma vie
A explorer d’autres contrées
Afin d’offrir à mes enfants
Un avenir meilleur
Laisse-moi te dire, cher compatriote
Oui toi, mon frère
Que pour avoir cherché à gagner notre pain
Ils nous ont déclaré la guerre
Déployé leurs troupes aux frontières
Mais nous sommes indomptables
Los Tigres del Norte, De Paisano a Paisano
« Mais pourquoi ils viennent en France, ces gens-là ? »
Cette question est revenue, de manière lancinante, dans la bouche de nombreux passants et riverains croisés ce lundi 18 avril, rue Saulnier, à Paris, où le collectif anti-raciste Chapelle Debout ! ainsi que des dizaines d’exilés sans abris, occupent un bâtiment laissé à l’abandon depuis près de trois ans. Depuis le 18 avril, le bâtiment a été rebaptisé « l’Ambassade des migrants ».
Pourquoi « ces gens-là » sont-ils venus en France ?
La réponse est pourtant simple : ils/elles sont venus en France pour les mêmes raisons que ces dizaines de milliers de travailleurs « frontaliers » qui effectuent, tous les jours, un trajet aller-retour entre la France et la Suisse, pays où est établie la plus grande communauté de Français vivant à l’étranger.
Les résidents de « l’Ambassade des migrants » à Paris sont venus en France pour les mêmes raisons que ces millions de Français (2,5 millions selon le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères) qui ont fait le choix de s’installer dans d’autres pays, où ils ne sont pas appelés « migrants » (le terme étant réservé aux seuls « basanés ») mais « expatriés ».
Les mêmes raisons qui ont poussé des centaines de milliers de « mojados » mexicains, honduriens, guatémaltèques ou encore salvadoriens à émigrer aux États-Unis.
Les mêmes raisons qui ont poussé des dizaines de milliers de « talents étrangers » à s’installer dans la cité-Etat de Singapour.
Les mêmes raisons qui, jadis, avaient poussé les « boat people », en provenance d’Asie du Sud-Est, à prendre les chemins de l’exil, à bord d’embarcations de fortune, et souvent au péril de leur vie.
Les mêmes raisons qui, aujourd’hui, poussent des millions d’Ukrainiens à fuir un pays dévasté par la guerre.
Qu’ils/elles soient « légaux » ou « sans papiers », qu’ils/elles aient quitté leurs pays pour fuir la guerre, la misère ou qu’ils/elles aient émigré pour améliorer leur situation professionnelle et/ou économique, tous ont un point en commun : tous ont été condamnés à « explorer d’autres contrées afin d’offrir à leurs enfants un avenir meilleur» , comme nous le rappelait le groupe de corridos mexicain Los Tigres del Norte, dans une chanson culte du début des années 2000.
Toute personne ayant connu l’expérience de l’émigration sait qu’on ne quitte pas son pays de gaieté de cœur. Comme dit un célèbre dicton malais : « mieux vaut vivre sous une pluie de pierres chez soi que sous une pluie d’or chez les autres ».
Hélas, cette sagesse pourrait difficilement s’appliquer à celles et ceux pour qui la pluie est devenue une denrée rare; ces populations ayant subi de longues périodes de sécheresse, à l’image de celle qui menace actuellement des millions de foyers en Afrique de l’Est.
Ce proverbe malais pourrait également difficilement s’appliquer aux personnes qui ont vécu non pas sous une « pluie de pierres » mais sous une pluie de bombes ou de missiles fabriqués par des marchands d’armes bien de « chez nous »…
A l’issue d’un périple au cours duquel beaucoup ont risqué leur vie, les résidents soudanais, érythréens, marocains, tunisiens, somaliens, mauritaniens, maliens, tchadiens ou encore djiboutiens de l’ « Ambassade des Migrants » se retrouvent aujourd’hui dans la « patrie des Lumières », au « pays des droits de l’Homme » où ils sont pourtant privés des droits les plus élémentaires, comme le droit à dormir sous un toit, le droit de circuler librement, ou encore le droit d’être traités dignement, sans violences ni harcèlement policiers.
Bref, ces droits que la société française a bien voulu accorder, dans un élan de solidarité qu’on ne peut que saluer, aux réfugiés ukrainiens.
Depuis sa création, le Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires (FUIQP) défend les droits des personnes issues de l’immigration quelle que soit leur origine, leur couleur de peau, leur religion, ou leur situation administrative.
Le premier des « dix poings » du FUIQP proclame ainsi fièrement : « Nous voulons la régularisation de tous les sans-papiers et une citoyenneté commune et égale pour tous ».
En digne héritier des luttes de l’immigration, le FUIQP n’a eu de cesse de dénoncer les politiques impérialistes et néocoloniales imposées aux peuples du Tiers-Monde ; ces politiques qui persistent de nos jours et qui sont une des principales causes de l’immigration postcoloniale.
Le FUIQP a toujours combattu les discours et pratiques visant à diaboliser, criminaliser et/ ou réprimer les personnes issues de l’immigration postcoloniale et les habitants des quartiers populaires.
Aujourd’hui, dans un contexte d’extrême droitisation du débat public largement favorisé par le pouvoir en place, alors qu’une candidate fasciste à l’élection présidentielle n’a jamais été aussi proche du pouvoir, il est plus que jamais nécessaire de se mobiliser pour la défense des droits des migrants, avec ou « sans papiers ». Cette mobilisation, nous l’avons commencée avant les élections et nous la poursuivrons bien au-delà.
Lors d’un discours prononcé le 13 décembre 1998, le grand historien et militant anti-impérialiste Joseph Ki-Zerbo, mettait en garde la jeunesse burkinabè contre les conséquences de l’inaction: « si nous nous cochons, nous sommes morts ! » (« N’an laara an saara », en langue dioula).
Si aujourd’hui, nous nous couchons devant les discours et pratiques xénophobes, les violences policières et le racisme systémique, nous sommes morts !
Pour ces raisons, le FUIQP apporte son soutien au collectif Chapelle debout ! et aux résidents de l’ « Ambassade des migrants ».
S’unir pour ne pas subir
FUIQP
23/04/2022