Second tour des présidentielles : Que faire après la « gueule de bois » du premier tour ?

Les espoirs suscités par la candidature Mélenchon au premier tour chez les héritiers de l’immigration et plus largement dans les quartiers populaires sont à la hauteur des attaques violentes subies pendant le règne de Macron. Logiquement la « gueule de bois » qui découle du premier tour est également à cette hauteur.

49 % en Seine-Saint-Denis, 60% aux Mureaux ou à Trappes, 54% à Vaulx-en-Velin, 52 % à Roubaix, 50% à Evry-Courcouronnes, 48% à Vénissieux, 45% à Vitry-sur-Seine, plus de 40% dans les quartiers nord de Marseille, etc, ces chiffres indiquent la hauteur des espoirs et donc des déceptions et de la colère. Déceptions car les deux alternatives restantes pour le second tour sont catastrophiques pour les classes et quartiers populaires, particulièrement pour les non-Blancs.

Que ce soit Macron ou Le Pen, la précarisation et le démantèlement des services publics augmenteront, l’islamophobie et les violences policières se renforceront, le racisme décomplexé se sentira encouragé, les groupes multiples de la galaxie fasciste se sentiront autorisés à multiplier les passages à l’acte, les résistances et organisations antiracistes continueront d’être réprimées par une répression dure et douce, alliant dissolution d’associations, répression des militants, des actions et des collectifs, maccarthysme à but d’autocensure, etc.

A la déception s’ajoute la colère car la seule possibilité offerte par le second tour pour s’opposer à la venue au pouvoir de l’extrême-droite est le vote Macron c’est-à-dire pour un président qui est à la fois largement responsable de la montée du Rassemblement National et qui a déjà mis en application plusieurs des axes clefs des propositions de ce Rassemblement, notamment la mise en œuvre de lois et de mesures islamophobes.

Face à une telle situation, les appels « à faire barrage » se multiplient parfois avec un ton moralisant et culpabilisant insupportable et les appels à l’abstention et au vote blanc parfois avec un ton accusateur – accusation de trahison ou de naïveté – tout aussi insupportable.

Le piège actuel tendu par Macron avec la complicité de Le Pen ne pouvait conduire qu’à ce choix impossible ajoutant le risque de divisions durables à la réalité d’une régression certaine quelque soit le résultat final du second tour.

Ces deux positions, abstention et vote de barrage, étaient prévisibles et sont toutes deux à la fois compréhensibles et légitimes pour le FUIQP. Dans ces circonstances, nous appelons à ne pas insulter l’avenir car il faudra bien au sortir du second tour nous retrouver si nous voulons résister. Nous unir pour ne pas subir. Il faut donc pour nous raison garder.

Nous ne sommes en présence ni de « traîtres », ni de « naïfs », ni d’« inconscients » ou de « jusqu’auboutistes ». Nous sommes en présence d’un choix par contrainte entre le fascisant Macron et la fasciste Le Pen, entre la tumeur Macron et le cancer généralisé Le Pen. Dans un tel contexte, on peut comprendre l’existence de plusieurs options légitimes.

Cependant le choix que nous devons faire doit se réaliser en ayant conscience des conséquences. Celles-ci ne seront pas identiques pour tous et ne se déploieront pas au même rythme pour tous dans l’hypothèse d’une victoire de Le Pen. Les Sans-Papiers, les immigrés, les héritiers de l’immigration, les musulman-e-s, notamment celles qui portent le foulard, les non-Blancs de manière globale et plus largement les habitants des quartiers populaires seront largement les premières victimes et l’objet des attaques concrètes les plus virulentes. A commencer par la mise en œuvre des stratégies dites de « contre-insurrection » en général et de bouclage des pseudo zones de non-droits que revendiquent les nombreux policiers qui constituent un électorat désormais classique du Rassemblement National.

La situation n’est pas comparable à celle de 2002 ou de 2017. Entre un « racisme d’en haut » qui a fini par imbiber une partie non négligeable du corps social, une abstention de dégoût qui s’est installé durablement, une stratégie de répression et d’épuisement des luttes de Macron ayant enfanté une véritable haine sociale à son encontre, une stratégie de relooking du Rassemblement national – à laquelle a participé Macron lui-même mais aussi l’émergence et la promotion du variant Zemmour et le traitement médiatique de l’actualité par des groupe médiatique ayant choisi de se faire le relais des combats identitaires de l’extrême-droite – qui à force de répétition banalisent le vote Le Pen, etc.

Tous ces ingrédients rendent possible une victoire des héritiers du Vichysme et de l’OAS. Consciente de cette possibilité, la candidate du RN fait feu de tous bois. Avec les uns elle soigne son ravalement de façade « social », pour d’autres elle annonce le retrait du commandement unifié de l’OTAN et une politique de refus des blocs, pour d’autres encore elle prétend être favorable à l’existence d’un État palestinien.

C’est dans ce contexte particulier que nous sommes amenés chacune et chacun à nous positionner. Le FUIQP qui n’a cessé au cours de ces cinq ans de dénoncer et de combattre Macron sur tous les fronts (politique économique, islamophobie d’État et en particulier loi sur le séparatisme, violences policières, dissolution d’associations, etc.), considère qu’à situation exceptionnelle, il convient d’adopter une position exceptionnelle.

C’est pourquoi et contrairement aux échéances électorales passées, nous prenons position pour celle-ci en appelant à utiliser le vote Macron à contrecœur et sans illusion. Il s’agit pour nous de voter Macron pour mieux continuer à le combattre avec tous ceux qui refusent son projet de société quelque soit leur choix au second tour.

Bien sûr, nous sommes conscients qu’un vote ne suffit pas à inverser les rapports de force durablement. Si nous nous contentons de « faire barrage », et même si celui-ci réussit, nous serons dans une situation pire dans cinq ans. C’est pourquoi nous devons plus que jamais nous organiser pour faire entendre les voix et les intérêts des classes et quartiers populaires.

S’unir pour ne pas subir


Déclaration du FUIQP Paris-Banlieue et du FUIQP 59/62

18/04/2022