La chute de Bachar Al-Assad et les évènements de ces dernières semaines en Syrie ont été présentés par la communauté des États impérialistes (États-Unis, Union Européenne, Israël, et leurs alliés au Moyen-Orient) ainsi que leurs organes de propagande médiatique comme une “victoire du peuple syrien”.
En tant qu’organisations basées en France et, de manière générale, dans les pays occidentaux, nous n’avons pas la prétention de dicter aux peuples syrien ou palestinien la conduite à adopter face à des systèmes d’oppression ; que cette oppression émane de dirigeants de leur propre État ou de puissances coloniales et impérialistes, à l’image de l’État colonial et génocidaire sioniste. Une telle prétention serait d’autant plus vaine qu’en tant qu’organisations engagées dans le mouvement de solidarité anticoloniale avec le peuple palestinien, nous assistons, impuissantes, depuis plus de 14 mois, à un génocide perpétré par l’État sioniste avec le soutien direct de nos propres gouvernements. Si nous saluons la mobilisation internationale historique et sans précédent en soutien au peuple palestinien, force est de constater que, malgré quelques victoires symboliques, nous n’avons pas réussi à empêcher nos gouvernements de poursuivre leur soutien militaire, économique et diplomatique à l’État colonial et génocidaire sioniste. Ce constat, amer, sur les limites et insuffisances de nos propres mouvements en Occident, doit nous imposer l’humilité face à des peuples qui, à Cuba, en Irak, au Sahel, en Syrie, au Venezuela et, bien évidemment en Palestine, sont aux avant-postes de la lutte contre l’impérialisme de nos propres États.
Toutefois, cette exigence d’humilité ne saurait nous empêcher de faire preuve de lucidité dans l’analyse de l’évolution des rapports de force au Moyen-Orient, ainsi que leur impact pour les peuples de la région et du Sud global. Doit-on se rallier au narratif des États impérialistes et des médias occidentaux dominants visant à présenter la prise de pouvoir à Damas par des takfiristes repeints en “modérés” voire en “progressistes” comme une “victoire du peuple syrien”? Par quel miracle les États membres de l’OTAN, qui appuient et arment le génocide en Palestine peuvent-ils soutenir les aspirations du peuple syrien?
En cette période de confusion généralisée, il nous semble important de rappeler certains principes élémentaires ayant vocation à guider nos actions dans le cadre du mouvement de solidarité avec les peuples en lutte contre l’impérialisme. En tant que militant·es antiimpérialistes, il nous semble inconcevable de soutenir les agressions et déstabilisations désastreuses que sponsorisent les grandes puissances impérialistes. Ni en Irak, ni en Libye, ni au Yémen, ni en Syrie.
Contrairement à la fable, largement répandue, d’une révolte spontanée du peuple syrien qui aurait mené à la chute de Bachar el-Assad, la prise de pouvoir à Damas par Hayat Tahrir al-Sham (HTS, ladite “Organisation de Libération du Levant”), dont le noyau dur a été membre d’Al Qaïda puis de Daesh, est avant tout une victoire de l’OTAN et de l’État colonial et génocidaire sioniste.
En effet, les groupes armés ayant pris le contrôle de Damas le 8 décembre dernier ont bénéficié d’un soutien financier, logistique et militaire de la Turquie (membre important de l’OTAN), des États-Unis et de l’État colonial sioniste – chacun de ces 3 pays occupant et revendiquant une partie non négligeable du territoire syrien. Les aspirations démocratiques du peuple syrien sont finalement totalement étrangères aux acteurs du changement de régime. Les pseudos “libérateurs” ne sont que des agents turco-qataris et pro-occidentaux sans vergogne – ce dont ils ne se cachent pas. Le chef du HTS, Ahmad al-Shara’a (anciennement Abou Muhammad al-Julani), a clairement fait savoir que les groupes réunis sous sa bannière n’avaient aucune intention de s’en prendre aux intérêts de l’Occident et de son avant-poste dans le monde arabe : l’État colonial et génocidaire sioniste. Arrêté en Irak, Al Julani a passé cinq ans dans des camps de prisonniers mis en place par les États-Unis avant d’être libéré “par hasard” en 2011, au moment même où la guerre civile en Syrie commençait.
Par un tour de passe-passe dont ils ont décidément le secret, les dirigeants et médias occidentaux s’attachent désormais à rendre “respectables” des takfiristes que l’on prétendait combattre hier au nom de la “guerre contre le terrorisme” mais qui sont aujourd’hui au service de l’agenda des puissances occidentales.
Et l’agenda de ces forces, c’est la balkanisation de la Syrie, dont le nord et l’est sont sous protectorat américain, avec un pillage des ressours du pétrole et du blé ; le nord-ouest sous le contrôle et l’occupation turques. De son côté, l’État sioniste a élargi son occupation du Golan syrien jusqu’au Jabal ash-Shaykhet a détruit les capacités militaires de la Syrie par des centaines de bombardements depuis le 8 décembre. Rien ne s’oppose plus désormais à une balkanisation complète de la Syrie. Depuis plus d’un an, une ligne rouge du sang de dizaines de milliers de victimes, relie le génocide des Palestinien·nes à Gaza à la dévastation du Liban et au renversement du gouvernement syrien.
L’ordre chronologique est parfaitement clair. Au sein du formidable mouvement mondial de solidarité avec la Palestine, nul ne peut ignorer que l’État génocidaire sioniste tente depuis plus d’un an de détruire les forces qui lui résistent en Palestine, au Liban et au Yémen. La balkanisation d’une Syrie désormais dirigée par des groupes armés soutenus par l’OTAN et l’occupation d’une grande partie de son territoire constituent ainsi une opportunité pour l’État colonial sioniste de couper les résistances palestinienne et libanaise d’une importante base arrière.
Le renversement du gouvernement syrien est vécu comme un triomphe par le président turc Recep Tayyip Erdogan et par les pays occidentaux – États-Unis en tête – qui, il va sans dire, sont aussi, depuis toujours, les ennemis d’une véritable indépendance arabe. Mais, stratégiquement, le plus grand bénéficiaire de la balkanisation de la Syrie est de loin l’État colonial sioniste. Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s’est ainsi réjoui de la chute d’Assad, la qualifiant de “jour historique” et affirmant qu’elle était la conséquence directe des actions menées par Israël contre le Hezbollah et l’Iran. Le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a déclaré que “c’est le début d’une opportunité pour un Moyen-Orient plus stable, dans lequel la sécurité d’Israël et les intérêts de l’Amérique sont garantis”. Pour assurer ces intérêts, les génocidaires du peuple palestinien peuvent faire confiance au nouveau pouvoir à Damas.
Le 27 décembre, le nouveau gouverneur de Damas, Maher Marwan, a indiqué à la radio publique américaine NPR que le nouveau pouvoir avait la “volonté d’établir des relations pacifiques avec Israël”. Dans un entretien au cours duquel le génocide en cours à Gaza n’a pas été évoqué, Maher Marwan a même justifié les bombardements massifs de l’État colonial et génocidaire sioniste en déclarant notamment : “Il est possible qu’Israël ait ressenti de la peur et ait donc légèrement avancé [dans la zone tampon] et bombardé un peu. C’est une peur naturelle. Nous n’avons pas peur d’Israël et nous n’avons pas de problème avec eux. […] Nous n’avons aucune intention d’intervenir d’une manière qui menacerait la sécurité d’Israël.” Le nouveau gouverneur de Damas appelle même les États-Unis, principal soutien du génocide en cours à Gaza à soutenir son gouvernement pour développer de meilleures relations avec Israël.
Rien d’étonnant à ce que le chef de HTS, quelques jours auparavant, ait demandé aux groupes palestiniens de désarmer et d’arrêter toutes leurs activités en Syrie. Les pseudo “libérateurs” sont des partisans de la balkanisation de la Syrie et de farouches opposants de la résistance palestinienne.
Ce n’est pas une intervention armée directe de l’impérialisme, comme ce fut le cas en Irak et en Libye, qui a fait chuter le régime syrien, mais ce sont les mandataires des principaux pays impérialistes et de leurs alliés locaux qui ont pris le pouvoir à Damas. Loin d’être une “libération”, ce dénouement est d’abord l’œuvre des États-Unis, d’Israël et de la Turquie qui ont tous les trois intérêts à la balkanisation de la Syrie, au renforcement de l’État colonial et génocidaire sioniste comme gérant local des intérêts du système impérialiste, à l’affaiblissement de l’Iran en attendant de pouvoir la balkaniser à son tour, à l’isolement de la résistance et du peuple palestinien comme condition du projet de leur anéantissement. Ces différents objectifs sont des outils pour le contrôle de cette région stratégique du fait de sa situation géographique (à l’intersection de trois continents) et de ses richesses pétro-gazières.
Refusons toute contamination de la propagande impérialiste dans le mouvement de soutien
à la cause palestinienne!
Non à l’occupation et à la balkanisation de la Syrie!
La libération de la Syrie sera aussi celle de la victoire de la Palestine et des peuples arabes
contre l’impérialisme!
Vive la solidarité internationale des peuples!
Association des Palestiniens en Île-de-France
BPPA (Brigade Panafricaine pour la Palestine)
FUIQP (Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires)
Secours Rouge Marseille